Il faut toujours commander les rösti

En Suisse, il faut toujours commander les rösti. Laisser le temps au chef de les préparer : précuire les pommes de terre, râper le fromage, casser les oeufs. Ciseler le persil. Et, pourquoi pas ? Rissoler les lardons.

Une affaire importante nous attend de l’autre côté du glacier, derrière la cabane, en haut en sortant, toujours tout droit sur la neige.

Un col, une vue, une épaule, une pointe.

Une pause.

Là-haut, on n’y pense plus, posé dans le  bleu et le blanc, le vide sous nos skis. Là-haut il ne fait jamais faim. Il fait toujours beau, toujours exaltant, je suis happé dans un tourbillon ascensionnel qui me fait monter. Fatigué, oui, faible parfois, tendu ou inquiet, par moments. Mais lassé, jamais.

Et faim, jamais.

Alors posé sur le col, les yeux dans le vide profond, les yeux sur l’arête gaie, les yeux partout sur les sommets autour, je ne pense pas aux rösti.

Le gardien, lui, y pense. Car il fallait les commander – c’est bien parce qu’il doit y penser ?

Descente.

La neige décaille lentement (la Suisse…), les premiers mètres sont traîtres, le carton me joue des tours.

Je reste debout, en attendant mieux.

Au pied de la pente sommitale, on se regroupe. Le soleil est fort, la neige de surface est fondue, la glisse s’invite.

Alternance de virages jolis et faciles sur une pente agréable et longue, passages panoramiques autour des crevasses qu’on devine, amies joueuses, moqueuses et pas méchantes, une invitation au slalom. Facilité, légèreté, fraîcheur et beauté lorsque, parfois, les yeux se fixent. L’impression de vitesse, modérée et plaisante, nous entraîne et je ris en descente.

Le gardien, lui, se prépare. Car nous avons commandé.

Une belle trace sur la pente, 1000 m de dénivelé léger et enthousiasmant, le temps d’arriver, de déchausser, de se poser –  quelques minutes plus tard, elles arrivent.

Etalées sur une poêle qui force le respect, antique et en fonte, élémentaire, posée sur la table face au soleil, les rösti nous intiment de piocher.

Maintenant, la faim oubliée rapplique à grande allure, le ventre, laissé de côté tant que la priorité était ailleurs, se réveille. Gronde. Tonne. Exige.  Veut.

Et prend.

Assis confortablement après une matinée aller-retour, je profite des rösti.

Bien fait de les commander !

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