Lorsqu’on marche sur le sentier qui longe la crête au-dessus de la mer, sur l’île d’A… dans les Cyclades, on lance le regard aussi loin que possible. Tapant sur la mer, réverbérant contre le soleil, caressé du bleu, de l’ocre. On marche d’un pas crissant légèrement, aisé, souple, petit sentier agréable, quelques mètres de montée, puis de descente. Puis de montée…
On est vêtu, là. Peu, c’est la plage, c’est la Grèce, c’est l’été. Mais vêtu.
Il faut passer la taverne merveilleuse, vue imprenable, invariablement extraordinaire, serveur exceptionnel de drôlerie incompréhensible, menu parfait de simplicité, fraîcheur, plaisir.
On y reviendra. Plus tard, pour vous parler de fava et de tonosalata. Aujourd’hui, je marche. Passe la première plage, celle de la taverne. Reprends un petit chemin qui semble monter trop haut – mais la côte est traîtresse – et conduit à la deuxième plage. Celle des campeurs. De l’autre côté de la baie on voit les tentes, points de couleur qui le soir, envoient un peu de lumière. Et la journée, sont juste posés sur le sable.
Mais, passons. La deuxième plage est sans intérêt. Alors on la traverse. Remontant de l’autre côté pour arriver à la troisième.
La plage toute nue.
Peu de monde. Un petit campement reculé tout au fond, du sable, des galets, des rochers. Une eau parfaite.
Et des gens à poil.
La nudité est usuelle en Grèce, elle est pratiquée sur de nombreuses plages, avec naturel et décontraction. Alors, pourquoi pas ? Les enfants sont grands, partis, me laissant libre de mon corps, et je tente le cul-nu.
Le premier bonheur : celui d’évoluer dans l’eau tout nu. De glisser de la tête aux pieds sans frein, sans heurt, parfaitement lisse. L’espace de quelques minutes, faire le dauphin. Sentir l’eau couler sur les fesses inhabituées, être une vague.
Le bonheur.
Dehors, l’impression est différente. Le soleil est dur. La peau, fragile. Les regards, discrets et peu nombreux, sont quand même présents. Le mien se dirige vers les autres corps. Hommes et femmes. Allongés. Passant. Nageant.
Et tout naturellement, se pose la question de la taille.
De mon expérience des vestiaires et douches des clubs de sport, j’ai un pénis de taille moyenne. Plutôt petit au repos, relativement long en érection (les statistiques me le disent, pas les clubs de sport). Et pourtant, sur la plage, je suis systématiquement très, très loin de la moyenne des engins que je croise.
Très loin, et en plus petit.
Au point qu’une impression étrange d’inadaptation m’envahit, et que des justifications oiseuses me viennent à l’esprit : Bronzage intégral pour hardeurs ? Exhibitionnistes en mal de terrain de jeu ? Drague subtile à l’arme lourde ?
Sans me mettre vraiment mal à l’aise, je peux dire que cette question me travaille. Me trouble dans mon étalement du corps sur le sable. Interfère négativement avec le début de coolitude absolue qui s’emparait de moi.
Après quelques minutes de réflexion, une explication rationnellement machiste me vient à l’esprit : je subis le biais des grosses bittes. Les mal pourvus (dont je me trouve faire partie, en toute objectivité) sont gênés de s’exhiber, et ne fréquentent pas ces plages. Préférant l’anonymat du maillot de bain. La tranquillité du parasol. Seuls les plus gaillards sont prêt à se pavaner, tube au vent, boules battantes, sur cette avenue.
Satisfait, je me renfonce dans le sable, en tailleur, et recommence ma partie de ricochet.